lundi 15 juin 2009

Dérapeutes et nouvelles relations d'aide

Par André Tarassi (février 2009)

Il est relativement facile de se présenter comme thérapeute aujourd’hui, compte tenu de la demande d’aide dans notre société malade, et nous avons pu constater des « dérapages » dans ce domaine.

Notre analyse du problème est cependant différente de celle des militants antisectes qui, peut-être afin de rendre leur message accessible au grand public et plus percutant, n’hésitent pas à pratiquer l’amalgame et le raccourci à outrance.

Le premier amalgame consiste à assimiler une personne engagée dans une démarche spirituelle ou de guérison à une cliente traditionnelle d’un psychiatre ou d’un psychologue. Cette dernière est généralement hors des réseaux du New Age dans lesquels foisonnent les offres de soins et d’accompagnement les plus diverses. Les critiques du phénomène devraient donc prendre en compte le fait que l’offre n’est pas la même, qu’elle correspond à une nouvelle demande, et que bon nombre des personnes en proie au mal-être se tournent vers des propositions qui se rapprochent de cette attente. Autrement dit, elles ne se tourneront probablement jamais vers des thérapeutes « officiels » même si l'alternative qu’elles avaient choisie est tout à coup désignée comme une « secte ». Leur problème reste entier.

Le second amalgame consiste à condamner toutes ces tentatives d’accompagnement pour le dérapage de quelques-unes d’entre elles note. C’est le raccourci contre lequel le CICNS lutte depuis quelques années, celui qui a causé le plus de dommages dans notre pays.

Si nous avons effectivement rencontré des individus dont la naïveté et le peu d’exigence personnelle conduisent à des dérapages (il s’agit généralement moins de manipulateurs que de personnes inconscientes, un autre mythe de l’antisectarisme à pourfendre), nous avons surtout connaissance de personnes sincères mais dont la formation et la compréhension de la nature humaine (les deux sont importants, la formation n’étant pas garante de la seconde qualité) ne sont pas suffisantes pour qu’elles se positionnent comme accompagnantes qualifiées.

Pourtant, même parmi celles-là, un nombre important de leurs « patients » se diraient satisfaits de ce qui leur a été dit ou proposé. Pourquoi ? Parce que le besoin n’est pas tant d'un propos que d'une demande d’écoute ainsi que du respect de leur foi, pratiquement absents des circuits traditionnels modernes. De manière non-officielle, nous avons même rencontré des personnalités politiques qui nous ont confié que « Le New Age faisait du bien à beaucoup de gens ». Et encore faut-il souligner qu’il existe un nombre conséquent d’accompagnants ayant la capacité à soulager le mal-être de ceux qui viennent les rencontrer alors que notre société ne les a pas reconnus.

Peut-on alors, raisonnablement, poursuivre une chasse aux dérapeutes, sans discernement, telle qu’elle est menée aujourd’hui ?

Il faudrait certainement mettre en place un observatoire de veille sur les nouvelles pratiques contemporaines, en analyser les causes et les rouages, mais un tel organisme de veille devrait être absolument « neutre » et autoriser l’émergence homéostatique de conseils et de méthodes sortant du circuit officiel, tout en surveillant attentivement les possibles dérapages.

Cependant, une telle qualité d’observation demande évidemment que soit revues et corrigées entièrement les positions de la lutte antisectes à la française. Au CICNS, nous avons une équipe capable de reconnaître les dérapages (chez les chasseurs comme chez les chassés) autant qu’elle est capable de prendre en compte ce phénomène de société qu’est la quête spirituelle de ce début de XXIe siècle et une demande plus générale d’un accompagnement que n’offre pas le système actuel.

Le manque de maturité des relations d’aide a provoqué cette répression aux conséquences dramatiques dans notre société. Nous pouvons certainement être attentifs à ne pas cautionner les dérapages tout en reconnaissant qu’une évolution des méthodes d’accompagnement de l’humain est en train de naître dans le creuset des nouvelles spiritualités et nouvelles approches thérapeutiques attentives à la demande contemporaine. Il en a toujours été ainsi dans l’histoire de l’humanité, ne passons pas à côté des évidences à cause de la tendance à l’amalgame et au raccourci facile.

Note: Et alors même que l'indulgence est de mise dans les circuits de soins officiels ou "le facteur humain" ou "l'instant d'égarement" sont mis en avant pour excuser des erreurs manifestes qui ne seront pas sanctionnées (voir le cas de l'ablation du mauvais sein par une équipe chirurgicale)

Lire sur le même sujet la position du CICNS sur les victimes d'abus


André Tarassi est né en 1961, il est le fondateur du CICNS. Chercheur indépendant, il étudie les Nouvelles Spiritualités depuis 30 ans. Il a étudié le journalisme et la télévision aux États-Unis. Il a publié, sous un autre nom, plusieurs ouvrages sur la démarche spirituelle.

1 commentaire:

  1. Mon passage chez Delarue en septembre 2007 dans une émission sur les sectes et les thérapies déviantes aura au moins servi à renforcer ma conviction
    qu'il était important d'avertir le public sur les dérapages thérapeutiques, quelque soit le secteur concerné ("les brebis galeuses sont partout").

    J'ai traduit cela concrètement dans un livre intitulé Quand les thérapeutes dérapent
    à paraître fin janvier 2011 dans la plus grosse maison d'édition belge
    (La renaissance du livre, anc. Luc Pire).
    Plus de détails sur www.derapeutes.eu

    Baudouin Labrique

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